Vous connaissez le syndrome de la feuille blanche ? Trois semaines que je m’apprête à rédiger ces quelques lignes. Rien. Vide. Néant.
Vous voyez ce que je veux dire ? Non ! Tentons une analogie.
Nous sommes à la fin du 15ème siècle. Michel-Ange, au sommet de son art, dans la cour de son atelier florentin, jouit d’une vue imprenable, inspirante, sur la campagne Toscane. Le vent caresse les champs vallonnés, les cyprès dansent. Un bloc de marbre de Carrare trône devant lui. Pitié, fais quelque chose de moi, semble lui susurrer le colosse. Et rien, impuissant.
Bon, et maintenant, vous voyez ce que je veux dire ? Toujours pas ! Autre analogie.
New York, automne 1959, 23h45. Miles Davis vient de sortir « Kind of blue », yeah. Il descend des escaliers, sombres. Entre dans son studio de répétition, intime, suave, déjà enfumé. Se prépare, sort sa trompette de son écrin. S’allume une clope, tire une latte. Bill Evans plaque quelques accords sur son piano, suivi immédiatement de Jimmy Cobb et Paul Chambers à la rythmique. P’tain, ça swingue grave. Miles se lève, pose sa trompette sur ses lèvres. Et rien, impuissant.
Bon, et maintenant alors, c’est bon, vous voyez ce que je veux dire ?? Toujours pas !! J’en perds mon latin. Dernière analogie.
Miami, printemps 2019, 13h30. Une femme se lève de son lit, bouche pâteuse, sort de sa chambre, marche dans le couloir, et, soudainement, prend peur, sursaute, horrifiée. Kim Kardashian vient de se voir dans un miroir, non maquillée. Elle entre dans son dressing, groggy. Et rien, impuissante. Catastrophée, elle appelle Kanye, son mec, chanteur, mais néanmoins styliste à ses heures perdues. Un artiste accompli le monsieur. « Help, help, darling … ». Mais toujours rien, ils sont impuissants. Oh my god, crazy, amazing !
Je pense maintenant que vous voyez clairement ce que je veux dire. Voilà dans quelle étagère. Le doute mon phallus. C’est dur, limite déprimant. Mais pour autant, il faut bien savoir affronter ses démons.
Nous voici de retour à Sotteville. Enfin une météo clémente, totalement sèche. Franchement, ça fait du bien, même si c’est formateur, voire même parfois ludique, de rouler sous la flotte. Nous sommes clairement attendus par le staff, le briefing l’atteste, ambiance. En effet, souvenirs, souvenirs, notre prestation précédente sur ce circuit a été catastrophique. L’idée est que cela ne se reproduise pas ! Ce sera le cas, au prix d’un encadrement très répressif et de notre cher président très présent pour éteindre tous les débuts d’incendie. Le Zèbre tenait absolument à montrer aux dirigeants du circuit de l’Europe que nous avions retenu la leçon et que l’esprit Free Drivers est résolument ailleurs.
Pour preuve, je passe un moment avec « King », un revenant.
– Comment vas-tu l’ami ? ça fait un bail …
– Et bien, à merveille ! Figure-toi que je viens de faire l’acquisition d’une maison dans le sud. Nos enfants étant maintenant autonomes, ma femme et moi voulions avoir notre p’tit coin de paradis pour sortir de la grisaille banlieusarde. Soleil et oliviers. Franchement, la vie est belle.
Quelle joie de vivre communicative, c’est beau, merci.
C’est parti pour les essais chronométrés.
Ouah, c’est bon quand même, j’avais effectivement presque oublié : ça va vite, ça freine, ça accroche, ça crisse. Vive le sec.
A la sortie des deux sessions, la feuille de chronos est étonnante. Certes Free Wheel, Walking Man et Crevette sont en haut de l’affiche. Mais ils sont talonnés par Mad Mig et Bigzac bien devant de très gros clients que sont Free P & S, Ouistiti, Le Zèbre et Rainman. Les manches s’annoncent sacrément animées !
Justement, du fait de cette hiérarchie initiale inattendue, le hasard fait que la grande majorité des kadors se retrouve dans le premier groupe. Les deux manches qui s’ensuivent ont ainsi des airs de finale A, spectacle magnifique que j’ai eu la chance d’admirer. Les passes d’armes entre Free Wheel, Ouistiti et Free Son ont été de toute beauté. C’est Free Son qui sort premier de ces combats, alors qu’il était passé totalement à côté de essais. Remarquable, cela se confirme, sa forme actuelle lui permet de viser le championnat en fin d’année. Bravo à Rainman et Free P qui arrivent à se hisser en A dans ce groupe de la mort. En revanche, c’est raté pour le Zèbre, en B, en raison de quelques effets de styles que seul lui maîtrise !
Le second groupe maintenant, dont je fais partie. Une promenade de santé annoncée, les kadors s’affrontant par ailleurs. Que dalle. Que nenni. Fini la rigolade, le niveau des courses Free Drivers est bien trop élevé désormais. Pour preuve, se retrouvent au départ Walking Man, Crevette, Mad Mig, Mic Mic, Angelus, Waldo, Speedy. Ces pilotes sont censés être moins performants … ??!! Foutaise, ça envoie grave !! Résultat des courses, Crevette termine largement premier en gagnant haut la main les deux manches. On s’attendait à voir Walking Man dans son sillage, et bien non, c’est l’excellent Waldo qui termine second. Quel talent, en progression constante, il vient clairement titiller du lourd. Comme évoqué avec lui, il pêche encore par manque d’expérience et de régularité. Patience. Pour ma part, j’arrive in extremis à me retrouver en A malgré un accrochage avec Speedy en plein excès d’optimisme sur un freinage. Involontaire. Et qui je vois à côté de moi, un certain Vil Coyotte, tient, tient, petit à petit, l’oiseau fait son nid.
La matinée touche à sa fin avec les finales.
La hiérarchie est respectée en finale B, avec un podium composé du Zèbre au sommet, entouré de Speedy et Bip bip. A noter les superbes performances de King et de Rey, à l’inverse de Ched, pas à sa place, une journée sans, le concernant.
C’est au tour de la finale A. De l’arrière du peloton, je constate que les premiers partent comme des avions de chasse. Intouchables. Mais qui va bien pouvoir battre Free Son aujourd’hui, tant il évolue sur un nuage ? Et bien, lui-même ! Micro erreur lors d’un bras de fer avec Free Wheel, ce n’est pas à un vieux singe qu’on apprend à faire des grimaces, un vibreur prit de manière trop brutale, et hop une chaîne out … abandon. Disons que c’est bon pour le championnat. Free Wheel termine en haut du plateau, accompagné de El Gato Negro, opportuniste, et Ouistiti, après de grosses batailles. Mais attention, à l’arrière, c’était énorme également. En effet, Môssieur Vil Coyotte, à la régulière, a doublé dans l’ordre : Moi-même, Bigzac, Angelus, et Free P. Rien que çà. Et l’ami Waldo, il commençait à serrer les fesses sur les derniers virages ! Moralité, Vil Coyotte a été désigné à l’unanimité « Pilote du jour ». Évidemment. Sacré Fred qui me disait vouloir participer uniquement à deux trois courses cette année pour le plaisir. J’ai bien l’impression qu’il sera de la partie tout le championnat et il m’a en outre déjà confirmé sa présence au sein des équipes FD en endurance. La passion ne se contrôle pas.
Pour le détail de tous les résultats, c’est par ici que cela se passe :
https://www.free-drivers.org/2019/03/sotteville-manche-3-201903/
Il y a une bonne vingtaine d’années bien tassées, certains futurs Free Drivers, pionniers, envisageaient déjà de limer le bitume, étudiant, un ami m’a initié au Jazz. J’ai alors découvert, ingurgité, les standards interprétés par les plus grands : Miles Davis, Bill Evans, John Coltrane, Duke Ellington, Dizzy Gillespie, Charlie Parker, Max Roach, etc. dans le désordre, pour ne citer qu’une infime partie d’eux. Au hasard de mes rencontres, je croise un gars qui me dit en substance « Miles Davis, mouais, bof, écoute plutôt Erik Truffaz ! ». WTF ?!? C’est qui ce mec ? Je l’ai écouté un peu, rien de plus. Les années sont passées. Depuis peu, grâce à la joie des transports parisiens et à Spotify, je le redécouvre. Quelle inspiration, quelle fusion, quelle beauté.
C’est la vie. Il y a de belles choses, et de moins belles. Il y a de l’amour, et de la haine. Il y a de la joie, et de la tristesse. Il y a de la lumière, et de l’ombre. Le Yin et le Yang. La vie et la mort. Mais c’est un tout, une unité, une nécessité.
A Marylou.